Entretien avec l'auteur : Le pacte fédératif, Essai sur la constitution de la Fédération et sur l'Union européenne
/Pourriez-vous nous dire quelques mots sur l’ouvrage ?
Ce livre, Le pacte fédératif, Essai sur la constitution de la Fédération et sur l’Union européenne, est la suite de notre ouvrage précédent, Théorie de la Fédération (PUF, 2007) et porte exclusivement sur la constitution de la Fédération. Il vise à démontrer que cette constitution est spécifique et qu’elle ne peut pas être traitée et analysée de la même façon que la constitution unitaire (d’un État unitaire). L’expression de pacte fédératif sert justement à illustrer la profonde originalité de ce type de constitution, finalement très peu étudié.
Qu'est-ce qui vous a incité à vous lancer dans ce projet ?
La raison est très simple ; j’avais écrit quatre chapitres presque entièrement achevés sur la constitution, qui auraient dû être publiés dans la Théorie de la Fédération, mais cela n’a pas pu être fait. Il m’a semblé utile de prolonger l’effort et mes recherches qui m’ont mené un peu plus loin que ce je que pouvais imaginer quand j’ai repris le dossier.
Quels sont les auteurs dont les travaux vous ont marqué tout au long du projet ?
Ce sont surtout des juristes étrangers car le fédéralisme est rarement étudié en France, mais je dois noter que j’ai relu avec beaucoup de profit les écrits de Charles Durand et de Guy Héraud. Sinon, les auteurs les plus marquants pour le présent livre ont été, par exemples les juristes suisses, Jean-François Aubert, Marcel Bridel, Anton Greber et Alfred Kölz. Pour les auteurs allemands, j’ai tiré un grand profit de la lecture de l’œuvre de Heinrich Triepel et de Christoph Schönberger. Enfin en langue anglophone, je dois surtout citer les écrits du canadien Jean-François Gaudreault-Desbiens (qui écrit aussi en français en tant que Québécois), et du juriste australien Nicholas Aroney et – un peu in extremis, ceux du juriste écossais Steven Tierney – sans oublier les travaux marquants de Bruce Ackerman sur l’histoire constitutionnelle des États-Unis.
Quels défis avez-vous dû relever pour écrire cet ouvrage ?
Le principal défi a été de maintenir le cap sur une longue durée car l’écriture du livre a été fractionnée, s’étendant sur plus de 15 ans. Le livre est fait de couches successives ; et à chaque fois, il a fallu se remettre « dans le bain », ce qui fait que le découragement m’a parfois saisi.
L’autre grand défi a été de se lancer dans le droit de l’Union européenne pour écrire la 5e partie du livre qui traite de la question de savoir si les traités européens forment, ou non, un pacte fédératif. Le droit de l’UE est à la fois profus et complexe et il est difficile de théoriser une matière qu’on ne maîtrise pas en spécialiste. J’ai pris ici quelques risques, mais j’ai eu la chance de pouvoir m’appuyer sur la littérature « européiste » qui est parfois d’une excellente qualité, sans compter l’aide que m’ont apportée certains amis et collègues européistes qui m’ont un peu guidé dans ce « maquis » qu’est le droit de l’UE.
Quelle est, selon vous, la contribution de cet ouvrage au discours universitaire et, plus largement, au droit constitutionnel ou public ?
La principale contribution serait probablement d’avoir ouvert une piste sur la spécificité de la constitution de la Fédération que j’appelle aussi la constitution fédérative qui n’est ni un traité, ni une constitution au sens classique. Ce livre approfondit l’intuition première que j’ai eue selon laquelle la Fédération est foncièrement différente de l’État. Ce serait une sorte de pierre de plus à l’édifice que serait l’ensemble que l’on peut appeler le droit fédératif, distinct du droit étatique.
L’autre contribution, mais ce n’est pas à moi d’en juger, porterait sur le droit de l’UE car je tente ici, ce que je n’avais pas fait pour la Théorie de la Fédération, d’appliquer les concepts du droit fédératif à l’UE.
Quelle est la prochaine étape ?
Il n’y aura pas de prochaine étape pour le fédéralisme car après vingt années de recherches en partie consacrées à ce thème, j’éprouve le sentiment d’une certaine lassitude et je laisse à d’autres le soin de labourer ce domaine.
La prochaine étape serait soit de compléter des recherches déjà faites sur la notion d’Empire – mais ici la littérature est prolifique, sauf chez les juristes, ce qui présente une double difficulté – soit d’achever mon projet de recherches pour l’Institut Universitaire de France (2012-2017) sur la citoyenneté dans son rapport avec l’État, ou si l’on veut sur l’État considéré non comme pouvoir souverain, mais comme communauté de citoyens. Toutefois, j’ai bien conscience que l’âge venant, il me faudra opter entre ces deux voies ou « étapes ».
Olivier Beaud est professeur de droit public à l’Université Paris Panthéon-Assas et directeur-adjoint de l’Institut Michel Villey.
Le pacte fédératif, Essai sur la constitution de la Fédération et sur l’Union européenne est disponible aux éditions Dalloz.